Location meublée et para-hôtellerie : les conditions d’assujettissement à la TVA


Vous avez engagé des dépenses de travaux sur un bien immobilier, et vous vous interrogez sur les modalités qui s’offrent à vous pour récupérer cette TVA acquittée.
La location meublée est, en principe, exonérée de TVA.
Toutefois, cette exonération connaît une exception notable lorsque le loueur propose, en complément de l’hébergement, des services para-hôteliers. Dans ce cas, l’opération peut être soumise à la TVA, entraînant des conséquences fiscales importantes, tant sur le plan des obligations déclaratives que sur celui des droits à déduction.
Dans un contexte de développement soutenu de la location meublée de courte durée, cette distinction entre location exonérée et location imposable à la TVA devient cruciale, notamment pour les particuliers ou les sociétés qui gèrent des résidences de tourisme, des appartements en centre-ville, ou encore des locations saisonnières de type Airbnb.
1. Rappel du principe : l’exonération de TVA pour les locations meublées
Conformément à l’article 261 D, 4° du Code général des impôts, les locations de logements meublés ou garnis sont exonérées de TVA.
Il y a toutefois taxation lorsque le bailleur offre, dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers, au moins trois des quatre prestations de services suivantes :
· Le petit-déjeuner,
· Le nettoyage régulier des locaux,
· La fourniture de linge de maison (draps, serviettes, etc.),
· La réception de la clientèle.
Cette règle vise à éviter les distorsions de concurrence entre l’hôtellerie traditionnelle et certaines formes d’hébergement alternatif.
2. Le critère déterminant à la taxation : la fourniture de services para-hôteliers
Initialement, le législateur français (par application de l’article 135 dela direction TVA) avait choisi d’exonérer les locations immobilières et de taxer de plein droit les prestations d’hébergement hôtelières ou dans des villages de vacances classés, et les prestations para-hôtelières (i.e. les prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant, en plus de l’hébergement, au moins trois prestations sur les quatre énumérées au sein de l’article 261 Ddu Code général des impôts).
Le Conseil d’Etat avait jugé ces dispositions incompatibles avec les exigences de l’article 135 du la directive TVA (CE, 8e et 3ech. Réunies, avis du 5 juillet 2023, n°471877). En effet, le Conseil d’Etat considérait que les dispositions dudit article ainsi rédigées pouvaient permettre d’exclure de l’exception à l’exonération des prestations d’hébergement qui en réalité concurrençaient le secteur hôtelier (bien que ne remplissant pas les trois critères susvisés).
Le législateur a donc réécrit l’article 261 D du Code général des impôts (article 84 de la loi de finances pour 2024).
Ce dernier n’a pas souhaité supprimer lesdits critères.
Il distingue désormais :
(i) les prestations de courte durée : les locations de logements meublés ou garnis à usage d’habitation offertes au client pour une durée n’excédant pas 30 nuitées ;
(ii) les prestations dans le secteur résidentiel : lorsque le prestataire offre uniquement des séjours incluant nécessairement plus de 30 nuitées. Elle constitue alors une prestation d’hébergement du secteur résidentiel. Sont ainsi concernés les locations d’hébergements en résidences étudiantes et séniors, maisons de retraite…
Dans ces deux cas, il y a taxation à la TVA si, en sus de l’hébergement, trois des quatre prestations prévues, à savoir (1) le petit déjeuner, (2) le nettoyage régulier des locaux, (3) la fourniture du linge de maison et (4) la réception même non personnalisée de la clientèle sont fournies.
La Doctrine Administrative, récemment publiée, prévoit désormais qu’il n’est pas exigé que les services annexes soient effectivement fournis auclient, mais qu’il suffit qu’ils soient effectivement proposés, ce qui peut être démontré par le prestataire par tous moyens : l’affichage, la mise à disposition d’un livret d’accueil, les échanges écrits avec le client, les mentions du site internet du prestataire… (BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20).
S’agissant du petit déjeuner, la doctrine prévoit qu’il doit être proposé dans les locaux mis à disposition du client ou dans un local commun situé dans l’immeuble – la simple présence de distributeurs d’aliments et/ou de boissons ne suffit pas.
Concernant la périodicité de la fourniture du linge/nettoyage des locaux : Un nettoyage hebdomadaire (y compris si conditionné à une demande préalable) et un renouvellement hebdomadaire du linge sont considérés comme suffisants. Pour les séjours comprenant au maximum 5 nuitées, l’Administration précise que la condition est réputée satisfaite lorsque le ménage est effectué au moins avant le début du séjour et le linge renouvelé au moins au début du séjour (attention : il s’agit d’une tolérance TVA – non applicable en matière d’impôt sur le revenu).
Pour la réception, il doit s’agir d’une réception physique des clients en début et fin de séjour. Cette réception peut être réalisée dans un lieu différent du local loué, sur des plages horaires déterminées. Attention : La seule mise à disposition des clés via une boite à clés, sans alternative proposée avec un accueil physique, ne saurait constituer une réception même non personnalisée de la clientèle.
3. Conséquences de la soumission à la TVA
3.1. Assujettissement et obligations déclaratives
Lorsque les conditions précitées sont remplies, le Bailleur devient assujetti à la TVA.
Ce qui implique :
- Facturation des locations au taux de 10% (applicable sur la partie hébergement et services accessoires),
- Dépôt de déclarations périodiques,
- Tenue d’une comptabilité.
Si vous ne dépassez pas certains seuils, vous pouvez bénéficier du régime de la franchise en base de TVA (nous nous référons à notre précédent article –attention à l’abaissement prochain des seuils qui peut générer une sortie du régime à anticiper par l’adaptation des prestations de services fournies).
3.2. Droits à déduction et régularisation
En contrepartie, l’assujettissement permet de récupérer la TVA sur les dépenses liées à l’activité (travaux d’aménagement, achat de mobilier…).
Actualité : CAA Toulouse, 1ère ch. 27 mars 2025,n°23TL01046 - Lorsque le futur bailleur peut établir, par tout moyen, qu’à la date d’acquisition du bien ou de la réalisation des travaux sur celui-ci, il avait l’intention de louer l’immeuble avec prestations hôtelières, la TVA supportée à ce titre est déductible alors même qu’aucune prestation d’hébergement taxable n’avait encore été réalisée (décision similaire du CE, 8Eet 3e ch. Réunies, 5 juillet 2023 n°469778).
Il semblerait ainsi que la qualité d’assujetti redevable (pour la déductionde la TVA) dépend de l’intention de réaliser des opérations imposables à la date à laquelle la TVA est devenue exigible. D’après la jurisprudence, l’abandon du projet initial ne saurait remettre en cause la déductibilité d’amont. A noter toutefois que cet abandon entraîne l’obligation pour le prestataire de régulariser la TVA par vingtième ou cinquième en fonction de l’immobilisation.
Cette régularisation n’est toutefois pas exigée lorsqu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté du bailleur, le bien n’a pas été offert à la location pendant quelques temps alors qu’il a apporté la preuve de son intention de louer l’ensemble immobilier dans les conditions visées ci-après.
Il est donc nécessaire de démontrer cette intention (i) dès l’acquisition du bien immobilier (clause à insérer directement au sein de l’acte authentique d’achat), et (ii) aussi longtemps que ce souhait perdure, nonobstant l’impossibilité de le louer en raison de circonstances indépendantes de sa propre volonté.
3.3. Imposition des plus-values
La location meublée soumise à TVA peut entraîner l’application du régime des plus-values professionnelles (et non des plus-values des particuliers) en cas de revente du bien notamment.
4. Anticiper les risques et structurer son activité
Avec le développement des plateformes de location courte durée, l’Administration fiscale redouble de vigilance. Les contrôles s’intensifient.
L’assujettissement à la TVA des locations meublées avec services para-hôteliers peut représenter une opportunité (notamment par la récupération de la TVA sur les investissements) mais aussi un risque en cas de mauvaise qualification juridique.
Il est donc indispensable de :
- Analyser précisément les services proposés ;
- Documenter l’organisation de l’activité ;
- Mettre en place une comptabilité adaptée ;
- Et surtout, anticiper les conséquences fiscales d’une requalification.
L’accompagnement par un avocat fiscaliste est fortement recommandé, tant en phase de structuration qu’en cas de contrôle, pour sécuriser le régime fiscal applicable et éviter les redressements. Notre Cabinet se tient à votre disposition pour toute question.